Le rôle des médias dans le conflit politique Catalogne / Espagne
Pendant ce conflit un grand nombre de médias, spécialement de la presse écrite se sont positionnés d’un côté ou de l’autre et maintenant ils jouent un rôle majeur dans ce désaccord.
L’événement qu’on va analyser est le conflit politique entre la Catalogne et l’Espagne qui est, malgré le Covid-19 toujours à la une de l’actualité en Espagne ainsi qu’en Europe. L’origine du conflit entre ces deux territoires date du 18ème siècle. Il s’est accentué ces dernières années avec la “renaissance” de l’indépendantisme. En effet la Catalogne autrefois indépendante, cherche à le redevenir à nouveau mais le gouvernement espagnol n’a aucune intention de lâcher cette région, la plus riche du pays. Ce divorce laisse pour l’instant des prisonniers politiques, des exilés dans plusieurs pays d’Europe, deux référendums et une ambiance néfaste entre les deux peuples.
Pendant ce conflit un grand nombre de médias, spécialement de la presse écrite se sont positionnés d’un côté ou de l’autre et maintenant ils jouent ( malheureusement ) un rôle majeur dans ce désaccord. Les Catalans et les espagnoles vivent ce conflit à travers les médias qui ont donc le pouvoir ( et le responsabilité ) d’informer l’ensemble de la population sur l’actualité politique… mais ils ont aussi l’immense capacité de pouvoir manipuler les lecteurs en fonction de leur orientation politique.
La théorie de la communication à double étage dont parlent les sociologues Elihu Katz et Paul Lazarsfeld dit que les informations sont transmises par les médias aux personnes les plus attentifs et les plus informées. Ensuite ces informations sont relayées par des voies interpersonnelles à d’autres groupes de personnes qui avaient un contact moins direct avec les médias et dont le fait de dépendre d’autres pour obtenir les informations ne leur pose pas de problème.
Par conséquent, la capacité d’influence des médias est limitée car les “leaders” d’opinion sélectionnent les infos des médias et ne filtrent aux groupes que les informations qui sont en accord avec sa façon de penser
Dans notre cas, l’information (politique) que reçoit la population n’est pas transmise puis retransmise par les “leaders” d’opinions mais directement par les médias. Ces “leaders” charismatiques sont donc les journalistes qui parlent au nom du média. Ici il n’y a pas de médiateurs entre les médias et les groupes de personnes. ( voir schéma )
En effet les journalistes sont les équivalents au concept de “leader d’opinion” issu de la théorie dont parlent les deux sociologues. En ce qui concerne le “procés” ( mot catalan pour désigner le processus de souveraineté catalan ) les interprétations des faits des médias ont une très grande influence sur l’ensemble de la population. Pourquoi ? Car la politique est quelque chose d’abstraite et la façon la plus simple pour les gens d’apprendre les actualités sont les médias. En Espagne, les sujets politiques sont les plus suivis et sont ceux qui suscitent le plus d’intérêt. En effet la plupart des journaux télé consacrent plus de la moitié de leur temps à parler de politique.
Les journalistes possèdent les mêmes caractéristiques que Katz et Lazarsfeld ont données aux “leader d’opinions”. Ils sont accessibles à tous le monde, ils occupent un poste important dans la communauté, ils possèdent des connaissances spécifiques et supérieures à la moyenne et profites ( et là se trouve le problème ) d’une crédibilité à la portée de peut. Comme il est dit dans la théorie, ces “guides d’opinions” ne sont pas forcément ceux qui occupent des positions sociales élevées.
Eduardo Inda, un journaliste proche et apprécié pourrait être un exemple. Il écrit régulièrement dans un journal papier de droite ( OK Diario ) et il collabore dans plusieurs programmes radio et télé où il défend ses idées politiques. Il est donc très connu et suivi par un grand nombre de personnes fidèles à ses idées qui forme donc un groupe.
En Espagne il y a deux grands groupes de personnes. Ceux qui sont “pro référendum” et ceux qui sont en contre que la Catalogne vote. Les médias se divisent donc aussi en deux, chacun avec sa façon de penser et d’interpréter les faits. Il y a ensuite des sous-groupes plus petits. Par exemple ceux qui sont pro référendum mais pas sur de l’indépendance ou encore des groupes avec des idéologies franquistes.
Voici comment changent les deux schémas:
Les journalistes filtrent et manipulent donc les informations politiques en fonction de leur propre intérêt et celui de leur groupe déjà influencé. Voici un exemple de comment une information peut être détournée: le 2 octobre 2017 juste après le référendum d’autodétermination catalan la presse écrite espagnole écrivait à la une “Firmeza frente al golpe” La razón ( Fermeté face au coup d’État) . La presse catalane quant à elle écrivait “Vergonya i dignitat” Diari Ara (Honte et dignité) . Deux façons de traiter l’information complètement différente. Le quotidien espagnol fait comprendre à ses lecteurs que cette votation est un coup d’État et justifie la violence des forces de l’ordre envers les électeurs tant dit que le catalan qualifie de honteux le comportement de la police et de digne l’attitude des catalans qui ont voté. Deux versions complètement différentes d’un même évènement. Il s’agit d’un exemple vieux, mais c’est sans doute le plus important.
Cette manipulation est en grande partie la responsable de la si grande fracture sociale qu’il y a actuellement entre catalans et espagnol. Dans la plupart des cas, ce n’est pas l’intervention d’un politique qui crée une polémique mais la façon dont les radios ou les télévisions expliquent et présentent cette intervention. Toute cette haine des espagnols envers les catalans ( indépendantistes ) à été provoquée par les radios, les télévisions et la presse écrites car les gens croient à ce qui disent. Comme je l’ai déjà annoncé le seul moyen d’apprendre comment évoluent les évènements politiques est à travers des médias. C’est simple, si un journaliste est contre le référendum et le catalan dans les écoles ( par exemple ) ses lecteurs risquent d’avoir les mêmes façons de penser.
Lazarsfeld disait qu’un des effets des campagnes électorales était qu’elles solidifiaient l’intention de vote des individus. Selon le sociologue autrichien la campagne n’atteint pas directement le citoyen à travers des médias. C’est plutôt l’environnement social qui fait arriver les informations aux individus mais de façon filtrée. Les médias espagnols le savent…
… En Espagne les espagnols peuvent suivre les campagnes électorales de deux façons: en assistant directement à l’acte ou bien à travers des médias ( l’équivalent à l’environnement social ). En 2019 quelques partis ce sont pleins que de certaines chaînes généralistes destinées plus de temps à couvrir la campagne des partis dit constitutionnalistes et de droites que ceux qui sympathisent avec le “procés” catalan. Il y a ici une évidente volonté de faire écouter davantage certains candidats à d’autres.
En Espagne l’intérêt pour la vie politique et notamment pour les élections est très haut. D’après Lazarsfeld, plus l’intérêt des électeurs est important plus leur exposition aux médias va être élevé. Ils vont pour la plupart avoir tendance à s’exposer du côté avec lequel ils étaient de toute façon déjà d’accord. Ce qui veut dire que chaque individu regardera le programme ou lira le quotidien qui parlera davantage sur son parti politique.
Ce manque d’objectivité et de non-respect de la charte des journalistes est non seulement remarqué par les propres espagnols mais aussi par la presse internationale. (annexe 3 ) D’après de nombreux médias européens les médias espagnols sont les moins crédibles d’Europe. En outre, d’après le dernier rapport publié par le Reuters Institute for the Study of Journalism, à l’Université d’Oxford, l’Espagne est le deuxième pays parmi ceux étudiés avec moins de crédibilité médiatique. La preuve la plus concluante est qu’en Espagne, il n’y a pas de médias complètement neutre et objectif. Il y en a sûrement, mais ils ne sont pas suffisamment connus car les espagnols et les catalans ne veulent que lire et entendre des infos en accord avec leurs opinions. En effet, en Espagne tout le monde est positionnés. Les médias savent donc que plus ils se positionneront plus ils attireront des gens ergo ils auront plus de vente. Cet aspect des “leaders” d’opinion espagnols n’est pas présent dans ceux que présente Lazarfeld. Il disait dans sa théorie que les guides d’opinions ne cherchaient pas forcément à influencer les autres et qu’ils pouvaient ne pas toujours être conscients de l’impact qu’ils exerçaient.
Cette théorie développée dans The people’s choice (1944) s’applique donc dans ce conflit politique qui ne semble pas s’achever. Comme le disait Lazarsfeld les individus accordent sa confiance à un leader d’opinion qui fait partie de son groupe et est apte à recevoir des informations des médias. Ce qui se traduit dans ce cas par: les espagnols et catalan se sentent en connivence avec les journalistes qui s’impliquent davantage en politique et qui expliquent ensuite ce conflit à travers d’une vision ( ou d’un angle ) qui leur plaît.
En Espagne les médias généralistes ne s’adressent pas à tous leurs lecteurs mais directement à un groupe qui partage sa façon de pensée. Un catalan par exemple n’achèterait jamais un quotidien comme La Razón ou el ABC et ces propres médias le savent.